Le 28 juillet 1915, les troupes américaines débarquent à Port-au-Prince, capitale d’Haïti, pour restaurer la stabilité et la sécurité dans la première République noire des Temps modernes. Elles vont y rester pendant près de vingt ans, jusqu’en 1934.
Instabilité croissante
Depuis le milieu du XIXe siècle, la république d’Haïti n’avait arrêté de descendre aux enfers, victime de l’absence de projet national et de la rivalité entre bourgeoisie mulâtre et paysannerie noire. Plusieurs coups d’État se succèdent dans les années 1910 jusqu’à celui du général Vilbrun Guillaume Sam, en mars 1915.
Le nouveau dictateur se montre aussi despotique que ses précédents et le 27 juillet 1915, fait massacrer 167 prisonniers politiques dans la prison de Port-au-Prince. Dans l’après-midi, la population, exaspérée, se soulève et poursuit le président jusque dans les bâtiments de l’ambassade de France.
Le dictateur est massacré et ses restes sont exhibés par la foule dans les rues de la capitale. Le président américain Thomas Woodrow Wilson voit dans ce nouveau débordement le motif d’une intervention militaire. Dès le lendemain, un navire de guerre, le Washington, entre dans la rade de Port-au-Prince, la capitale. Le soir même, les troupes de marines prennent position dans les endroits clés. La diplomatie de Washington justifie son droit d’ingérence par des principes humanitaires.
Échec de Washington
Prenant acte de l’absence d’élites haïtiennes crédibles et compétentes, Washington prend en main le pays et instaure un protectorat de fait. La classe politique, essentiellement mulâtre, se laisse elle-même manipuler par Washington. Le président du Sénat, Philippe Sudre Dartiguenave, accepte d’être installé par l’occupant à la présidence de la République.
Les marines prêtent main-forte à la gendarmerie nationale pour réprimer en 1918 une violente insurrection des « Cacos », les paysans en armes du nord de l’île, sous la direction d’un certain Charlemagne Péralte qui sera tué dans une embuscade en 1919 . On compte plusieurs milliers de victimes sur 40.000 insurgés, avec des exactions et violences de toutes sortes.
Les entreprises américaines débarquent dans l’île à la suite des militaires et s’approprient les maigres ressources locales (plantations…). Elles remettent également en état les infrastructures de l’île : routes, dispensaires, écoles… (non sans inscrire le montant de ces réalisations dans la dette extérieure d’Haïti). Par ailleurs, le cours de la monnaie locale, la gourde, est alignée sur le dollar.
Les institutions du pays, banques, armée, douanes, éducation… sont prises en main par les administrateurs américains. Un certain Franklin Roosevelt rédige même une nouvelle Constitution pour l’État haïtien…
Malgré ces acquis, les Américains suscitent contre eux l’hostilité tant des paysans noirs, maintenus dans des conditions de quasi-servitude, que des mulâtres. Ces derniers, imbus d’un sentiment très fort de supériorité sur les Noirs, supportent mal d’être mis dans le même sac que ces derniers par les occupants !
Franklin Delano Rossevelt, à peine élu à la présidence des États-Unis, a mis à la retraite le 21 août 1934 les marines d’Haïti sans qu’ait été résolu un seul des problèmes structurels de la république.
Herodote.net 27 novembre 2018