Au moins 108 membres présumés de gangs ont été tués en Haïti en trois jours, a rapporté un groupe de défense des droits humains de Port-au-Prince.
Les conclusions du Réseau National de Défense des Droits Humains constituent la première véritable évaluation du bilan de la récente recrudescence de la violence en Haïti, où des gangs armés ont intensifié leurs attaques et ont tenté mardi d’envahir l’un des quartiers huppés de la capitale, Pétion-Ville, seulement être abrogé par des habitants armés de machettes unissant leurs forces à celles de la police.
Pierre Espérance, directeur exécutif de l’association de défense des droits de l’homme, a déclaré que « dans un bon nombre de cas, la police a tué » les individus armés, puis la population a incendié les cadavres. Dans d’autres cas, les habitants eux-mêmes ont tué les bandits présumés. Une douzaine de ces meurtres ont eu lieu entre les 17 et 18 novembre dans le quartier de Poste-Marchand, dans la capitale. Il y a eu 90 autres meurtres mardi et six jeudi.
Ces chiffres soulignent non seulement la terreur croissante des gangs, mais aussi la mesure dans laquelle une population lassée va se protéger alors que les gangs prennent de plus en plus le contrôle de quartiers dans la métropole de Port-au-Prince et dans la vallée voisine de l’Artibonite. Cela met également en évidence un résultat inquiétant de violence dans un pays où le système judiciaire est presque inexistant et où la police est de plus en plus surveillée pour usage excessif de la force.
« Les autorités ont totalement démissionné. La justice elle-même est malade », a déclaré Espérance. « Comment expliquer dans un pays où depuis 2018 il y a tous ces massacres, tous ces viols et viols collectifs, ces enlèvements et où il n’y a pas eu de procédure judiciaire ? L’État s’est complètement effondré…. et la population se rend justice.
« Les policiers qui veulent travailler sont frustrés parce que lorsqu’ils arrêtent des membres de gangs, la justice les libère ou ils (la police) se font arrêter parce qu’il y a des chefs de gangs qu’ils ne devraient pas poursuivre. Telle est la situation », a-t-il ajouté.
Les chiffres du réseau des droits de l’homme coïncident avec la récente recrudescence de la violence qui a provoqué le plus grand déplacement massif, 40 965 personnes, à Port-au-Prince depuis que l’Organisation internationale pour les migrations des Nations Unies a commencé à suivre les mouvements internes des Haïtiens forcés de quitter leurs foyers par bandes armées. La majorité des déplacements ont eu lieu à Port-au-Prince et ont eu lieu au cours des dernières semaines, alors que les gangs prennent le contrôle de davantage de territoires. Le nombre de personnes déplacées s’élève jusqu’à présent à plus de 700 000.
Mardi, la police a intercepté tôt le matin trois véhicules transportant des membres présumés d’un gang qui étaient armés et se dirigeaient vers Pétion-Ville. Après que la police ait arrêté les véhicules, les passagers ont pris la fuite. La police a établi le bilan officiel de 28 morts pour mardi, tout en reconnaissant que certains individus ont été tués par des policiers et d’autres par des résidents locaux, qui ont piraté les membres présumés du gang avec des machettes puis y ont incendié. Ils n’ont donné aucun autre chiffre pour les autres incidents.
Dans son bilan, le Réseau National de Défense des Droits de l’Homme indique que parmi les 90 décès survenus mardi, 25 sont survenus dans la zone de Canapé Verte et 15 le long de la route Panaméricaine, près de l’hôtel Oasis à Pétion-Ville.
Jeudi, six autres membres présumés d’un gang ont été tués entre Delmas 57 et 59 et le quartier Christ-Roi.
« Nous sommes dans une anarchie totale », a déclaré Wilner Morin, un juge respecté qui a prêté serment jeudi en tant que nouveau médiateur des citoyens du pays. « Nous sommes dans une situation où nous avons une police et des autorités impuissantes et où la population est tellement acculée au mur qu’elle a le sentiment de pouvoir faire justice elle-même.
« C’est la faiblesse du système judiciaire et la mauvaise gouvernance qui nous ont amenés à ce point », a-t-il ajouté. « C’est très grave. »
Morin a déclaré qu’il avait formé une commission chargée d’enquêter sur les meurtres, ce qui a soulevé des inquiétudes plus larges quant à la montée du vigilantisme.
Connus sous le nom de mouvement Bwa Kale, les actes d’autodéfense commis par des groupes non organisés d’Haïtiens et des groupes d’autodéfense, bien qu’ils ne représentent qu’un petit pourcentage de la violence totale qui a lieu en Haïti, sont en augmentation, selon le Service intégré des droits de l’homme de l’ONU. » a déclaré le bureau en Haïti dans un rapport de septembre. Ces groupes opèrent souvent « avec le soutien ou l’assentiment des policiers », note le rapport.
Lors de tels incidents, les victimes sont mutilées à coups de machette, lapidées, décapitées, brûlées vives ou enterrées vivantes, indique le rapport, tout en notant que même les enfants n’ont pas été épargnés. Le rapport s’inquiète également des exécutions extrajudiciaires commises par des membres de la police haïtienne et par le procureur de Miragoane, Jean Ernest Muscadin, dont le lychage de membres présumés de gangs et d’individus accusés d’avoir commis des délits de droit commun a été salué par de nombreux Haïtiens.
« Depuis le début de l’année 2022, ce procureur aurait exécuté au moins 36 personnes », a indiqué l’ONU, soulignant avoir recensé au moins 106 exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires perpétrées par les forces de l’ordre, dont Muscadin, entre le 1er juillet et septembre. .30, 2024.