Le bureau de suivi de l’accord de Montana a dénoncé dans une note datée du 06 décembre le comportement et le favoritisme émanant du Groupe des Personnalités Éminentes de Caricom en faveur du PM Ariel Henry.
La note intitulée « LECTURE CRITIQUE DU « PROJET DE CADRE TRANSITIONNEL POUR HAÏTI » DU GPE » se lit comme suit :
- Personnalités Eminentes s’éloigne de sa mission de facilitateur des négociations entre les parties participent haïtiennes. En effet, le GPE présente une proposition fermée qui reflète exclusivement la position d’un acteur pour lequel il prend fait et cause, en ignorant totalement les positions exprimées par d’autres parties ;
- Alors que le 6 octobre 2023, le GPE avait soumis un « Projet Révisé du Protocole des Discussions et des Négociations » dans lequel la démission du premier ministre de fait était formellement inscrite dans les débats au point 1-ii), de manière unilatérale, sans discussion pourtant sur son propre agenda, le GPE a choisi d’imposer le premier ministre en place en renouvelant son mandat pour 18 mois. Le GPE, sans offrir d’autres options, renforce ainsi ce point de blocage qui représente la présence du premier ministre de fait. En privant les parties haïtiennes de leur droit de débattre du rôle du premier ministre de fait dans la solution pour le déblocage de la crise, le GPE invite à douter de sa sincérité pour faciliter une résolution de la crise haïtienne.
- Le document du GPE fait fi des souffrances infligées à la population haïtienne, dédaigne le traumatisme des familles, des personnes violées particulièrement les femmes et les fillettes, des enfants déscolarisés, des personnes déplacées, de la paupérisation accélérée, de l’exode. Le document est totalement muet sur la détresse de la population ;
- Le GPE propose un Conseil de Transition auquel il ne fait qu’accoler le qualificatif présidentiel en définissant lui-même les attributions de ce Conseil, écartant ainsi ce qui doit être le guide de cette transition, à savoir la Constitution haïtienne de laquelle il convient de se rapprocher en vue d’instaurer un ordre institutionnel transitionnel, de rétablir les institutions de la République et de mettre fin au chaos dans l’appareil de l’État, les conditions indispensables à la tenue d’élections non contestées ;
- En vident le Conseil de Transition de ses réelles attributions présidentielles et en particulier à sa plus simple expression l’organe de contrôle de la transition, le GPE révèle sans ambiguïté son objectif de renforcer et d’essayer de légitimer les pouvoirs du Premier Ministre de facto et de ses alliés et de lui fournir ainsi un satisfecit pour ses 29 mois au pouvoir, au mépris des douleurs éprouvées par la population pendant cette période;
- Le GPE a décidé unilatéralement de constituer un CT de 7 membres, sans discussion avec les parties impliquées ;
- En exprimant la constitution du nouveau gouvernement en termes de pourcentage distincts au Premier Ministre de fait, le GPE circonscrit son consensus politique dans un partage de gâteau caractéristique de la coalition au pouvoir depuis juillet 2021, avec les résultats catastrophiques connus et vécus par la population. Cela n’augure d’aucun changement dans la situation actuelle et serait certainement un handicap à la coordination et à l’unité de l’équipe gouvernementale. Le partage de gâteau est une porte ouverte à l’aggravation de la corruption actuelle et entraînera des conséquences néfastes sur le fonctionnement du gouvernement et l’organisation sereine du processus électoral ;
- Le GPE a réduit la grave crise multidimensionnelle qui traverse Haïti à une simple crise électorale. Le document ignore la nécessité d’entreprendre des réformes transitionnelles pour créer les conditions d’une élection non contestée, encourageant la participation des électeurs et des électrices. Les quelques attributions évoluent au CEP sans une révision du système électoral, sans prendre en compte la question des partis politiques, renseignent clairement sur la qualité des élections projetées et annoncent déjà une nouvelle ère d’instabilité et de renforcement de l’ingérence internationale ;
- Le GPE exclut les différents secteurs de la Nation de la prise de décision sur ses conditions de vie, en accord avec le secteur privé l’exclusivité de concevoir un plan économique pour soutenir la reprise économique, sans considération sur l’histoire des relations économiques et financières. de ce secteur avec l’Etat haïtien, sans égard sur la nécessité d’un changement de comportement, en particulier sur les questions douanières et fiscales, les pratiques de contrebande et de fausses facturations, les trafics illicites, les relations de plusieurs des membres de ce secteur avec les gangs ayant pourtant conduit aux sanctions internationales et enfin sans exprimer la reconnaissance de la nécessité d’un autre modèle économique et financier pour Haïti rompant avec ce système de reproduction de la pauvreté et de la misère de la majorité de la population. La question économique est une question nationale et non le privilège du seul secteur des affaires ;
- Le GPE invite les parties à accorder leur totale adhésion à la mission internationale d’appui sans débattre de ses termes de référence et de son mode d’opérationnalisation et sans prise en compte des traumatismes de la population en lien avec les interventions étrangères antérieures ;
- D’une manière générale, ce document demeure opaque quant à la démarche méthodologique qui lui a donné naissance. Elle est également muette sur les modalités et les critères de choix des membres des instances de la transition, et ce, sans même débattre des « Mécanismes pour la mise en place consensuelle et pacifique d’un autre Exécutif de Transition : pour un gouvernement de sauvetage national », proposé par l’accord du 30 août 2021/ Accord de Montana.
Ce document se révèle inacceptable au regard de l’ampleur et de la complexité de la crise que subit le pays. La communauté internationale, dans l’une de ses composantes la plus proche d’Haïti en ce qui concerne de l’histoire et de la géographie, a raté encore une fois l’occasion de faire montre de respect de la dignité du peuple haïtien, en se laisser aller à vouloir lui imposer les dirigeants et les solutions de son choix, selon son propre agenda inavoué et inavouable. Le BSA exige à chacun de se ressaisir, pour se mettre non seulement à la dimension de la catastrophe que vit la première terre de liberté de notre Amérique ou mieux de se siffler à la hauteur de sa contribution à l’émancipation humaine.
Que chacun comprenne qu’à travers Haïti se joue le destin de la région à ce carrefour décisif du bouleversement de l’ordre mondial. Le BSA lance enfin un appel aux formations progressistes nationales, aux citoyennes et aux citoyens pour que nous mobilisons nos forces pour faire échec à ce projet abject et à nous rassembler pour faire advenir un présent et un avenir respectueux de notre dignité.
À Port-au-Prince, le 6 décembre 2023
Le BSA