Nous ne sommes pas les mieux placés pour diagnostiquer ou faire la radiographie de certains courants ou individus politiques qui se réclament de la gauche et qui, un certain temps, représentaient le camp de la lutte de classe, du changement révolutionnaire. Mais puisqu’il s’agit d’une cause nationale, même sans autorisation, nous décidons de partager nos points de vue.
La flamme de la gauche haïtienne est-elle éteinte ou bien d’autres objectifs de l’ordre établi priment-ils sur elle ? Ce n’est pas parce que nous voulons mettre à jour une vérité, démasquer ou déconstruire un mythe ou révéler la face cachée de certains fossoyeurs politiques que nous sommes en train de poser cette question. Le contexte et la conjoncture nous y obligent.
En effet, c’est la réalité du moment qui nous a conduit à ce questionnement.
Concrètement, il y a longtemps depuis qu’on a constaté l’absence d’un vrai interprète des désirs et des aspirations du peuple haïtien au niveau organisationnel. Si l’on juge les hommes à leurs œuvres, nous pouvons dire, qu’il y a longtemps que la lutte des masses est orpheline d’un leader charismatique, d’un guide valable, d’un porte-parole crédible et reconnu capable de ‘approprier les revendications profondes des classes laborieuses pour leur donner plus d’échos et de lisibilité. Pourtant, il existe une panoplie d’organisations et de partis de gauche par surcroit révolutionnaire fonctionnant à l’intérieur du pays et même à l’extérieur.
Comment expliquer que cette gauche, si elle existe toujours, ait fait le silence de mort sur les nouvelles exactions néocoloniales d’occupation et d’établissement d’une base militaire de l’impérialisme américain en Haïti ?
Être de gauche n’est-ce pas être prêt à se sacrifier pour une Révolution politique et sociale, en clair, prêt à mourir pour ses convictions idéologiques et philosophiques ? Justement, le peuple haïtien a su, hier et aujourd’hui, faire montre d’un anti-impérialisme perspicace, démontrant qu’il a foi dans ses convictions révolutionnaires et progressistes. Qu’est-ce qui a changé quand certains militants de gauche n’ont plus le courage de prendre les risques de rejoindre la lutte et d’accompagner ce peuple ? Au lieu de mobiliser les masses ouvrières, les guider dans un grand combat pour le changement, certains se complaisent des directives lieux de l’extérieur et s’adonnent à la prière impérialiste pour exaucer leurs besoins ou leurs vœux.
En Haïti, il y a longtemps qu’on n’a pas lu un grand texte fondamental d’envergure, traduisant une position de principe et d’orientation, de repère et d’engagement pouvant permettre à la gauche haïtienne en général et aux masses populaires en particulier d’ouvrir leurs yeux, et leurs oreilles afin de parvenir à transformer non seulement la société, mais leur mentalité pour devenir des êtres humains nouveaux, pas des loups pour leurs prochains. D’autres, par manque d’arguments pour soutenir leur cynisme et leur position démagogique, préfèrent se réfugier dans la polémique stérile, à la guerre des ego pour éviter d’aborder les questions de fond.
Fiers et contemplatifs devant la débâcle politique, économique et sociale des élites, certains de ces membres sont devenus propagandistes du discours des puissances dominantes. Dépourvus de toute faculté pour comprendre, leurs divergences confondantes, désaccords politiques et conflits personnels. Selon eux, les adversaires politiques signifient automatiquement peine de mort, haine, allant même jusqu’à rompre tout contact avec autrui. Alors que, c’est un droit que nous avons d’avoir des idées contradictoires sur un sujet quelconque.
Se réfugie dans des actes de sabotages et n’accepte pas la contradiction sont propres aux régimes macoutiques réactionnaires. De telles actions n’ont rien à voir avec la notion de démocratie, voire des pratiques d’une gauche révolutionnaire.
Comment donc expliquer que cette gauche, si elle existe toujours, soit à travers le pays ou ailleurs, ait fait le silence de mort sur les nouvelles exactions néocoloniales d’occupation et d’établissement d’une base militaire de l’impérialisme américain en Haïti ? Aucune manifestation patriotique, aucune note de contestation ou de protestation pour dénoncer l’impérialisme contre cet acte de mise sous tutelle étrangère ; n’en parlons pas du Conseil Présidentiel de Transition, avec lequel cette gauche qui se chamaille est en train de prendre langue.
La gauche est en train de marcher sur les mots d’ordre de la propagande américaine et des œuvres capitalistes ruinant le pays. Certains de ses membres comportent déjà comme des ayants droit. Ils peuvent s’allier avec le monstre impérial et collaborer avec la lumpen-bourgeoisie, mais vous n’avez aucun droit du rapporteur, ni des critiques ni d’informer les masses de leurs actions antipatriotiques. C’est vraiment une honte aujourd’hui pour les soi-disant progressistes se réclamant d’une certaine gauche dont nombreux sont candidats au poste de Premier ministre. Se définir ainsi, est-ce un critère suffisant pour être anti-impérialiste ?
Quant à la faveur des événements, ils se projettent comme des pions de l’impérialisme, et même des anticommunistes, critiquant Cuba tout en faisant l’éloge des Etats-Unis d’Amérique. Ils n’adoptent même plus la posture des révolutionnaires de café ou de salon. Difficile, en effet, de comprendre quelqu’un adoptant aujourd’hui le vocabulaire idéologique de l’établissement réactionnaire, tout en abandonnant le terrain de lutte et de bons vieux slogans militants d’antan, tels que : une seule solution, Révolution, se proclamateur anti-impérialiste !
Quelqu’un qui s’engage à l’idéal et à la philosophie d’un Conseil Présidentiel droite et gauche de Washington peut-il encore oser se déclarer anti-impérialiste ? Celui qui a fait le « Serment » d’allégeance, d’accepter l’envahissement de son pays pour piller ses ressources naturelles prouve qu’il n’a jamais été à l’avant-garde des masses et ne relève pas de la gauche anti-impérialiste. D’ailleurs, même quand ce Conseil Présidentiel serait pour le changement, par le fait qu’il soit contre toute forme de révolution, cette prétention ne relève guère d’une gauche anti-impérialiste mais bien d’un réformisme social-démocrate.
Alors, on peut enfin comprendre les raisons pour lesquelles cette gauche ne pourra faire la rupture de classe annoncée contre le système capitaliste. Ce qui se passe actuellement est dans une grande mesure tout à fait naturel, compréhensible. Car devant la réalité existante, il y a des gens qui se résignent à cette fatalité ; des gens qui s’adaptent à cette rhétorique impérialiste. Ils n’ont aucune velléité de lutter pour un changement fondamental exigeant une haine intransigeante de l’ennemi des classes opprimées et exploitées.
La gauche haïtienne actuelle, inféodée aux classes dirigeantes bénéfiques d’ores et déjà des retombées de ce Conseil Présidentiel de Transition, ne possède ni crédibilité idéologique, ni légitimité morale et politique pouvant prouver son caractère anti-impérialiste !