Meurtres, enlèvements, violations, attaques de propriétés agricoles et de véhicules de transport en commun, font désormais partie de la vie quotidienne des habitants de l’Artibonite. Dans un rapport du BINUH publié ce 28 novembre 2023 et intitulé : « LA VIOLENCE DES GROUPES CRIMINELS S’ÉTEND EN DEHORS DE PORT-AU-PRINCE », la situation du bas Artibonite a alerté le Bureau du commissaire aux droits de l’Homme.
Entre janvier 2022 et octobre 2023, plus de 1.690 personnes ont été tuées, blessées ou enlevées. Ces violations sont en nette accélération depuis juillet 2022.
Au moins 20 groupes criminels, incluant les gangs et les groupes d’autodéfense, sévissent dans cette région du pays. Extrêmement violents, ils n’hésitent pas à exécuter les populations locales lors d’attaques de villages se rapprochent comme « rivaux » et à brûler des personnes enlevées pour forcer leurs familles à payer les rançons. À cela s’ajoute l’utilisation des violences sexuelles comme une arme contre les femmes, voire même les jeunes enfants. Les gangs, et ceux qui les soutiennent, ont aussi fait des agriculteurs et des propriétés sur lesquelles ils travaillent, des cibles privilégiées. Rançonnements, vols de récoltes et de bétails, destruction de canaux d’irrigation, ont contraint plus de 22 000 personnes à fuir leur village pour trouver refuge dans les centres urbains de la région.
Le BINUH dénonce la réponse des autorités policières et judiciaires, jugée inadéquate et incohérente
Si des opérations policières ont été conduites à la fin de l’année 2022 et au cours du mois d’octobre 2023 dans certaines communes du Bas-Artibonite, elles n’ont pas permis d’endiguer les groupes criminels sur le moyen et le long terme. Invoquant un manque de moyens opérationnels, certains cadres de la Police Nationale d’Haïti (PNH) en Artibonite s’estiment incapables d’empêcher l’expansion de ces gangs. D’autres s’appuient sur des groupes d’autodéfense pour mener des actions violentes contre des villageois vivants dans des zones sous l’influence de ces mêmes gangs.
Le secteur de la justice n’a pas obtenu des résultats plus probants.
Des magistrats ont certes ouvert des enquêtes et arrêté quelques membres de gangs, sans pour autant que cela aboutisse à des jugements et à un affaiblissement des capacités de ces gangs. Au contraire, de manière symptomatique, l’un des chefs de gangs les plus connus, celui de Kokorat San Ras, a été libéré illégalement en mars 2023 par l’ancien Commissaire du gouvernement des Gonaïves. Ces deux personnes sont en fuite depuis lors.
Recommandations
1. La propagation de la violence en dehors de la zone métropolitaine de Port-au-Prince appelle au renforcement des forces de police et au déploiement le plus rapidement possible de la mission multinationale d’appui à la sécurité, dans des conditions conformes aux normes et normes internationales en matière de droits de l’homme, telles qu’adoptées par le Conseil de Sécurité des Nations unies dans sa résolution 2699 (2023). Il n’en demeure pas moins que cela ne sera pas suffisant.
2. Au regard de la détérioration de la situation des droits de l’Homme à travers le pays, il est primordial qu’en conformité avec la résolution 2653 (2022), le Conseil de Sécurité des Nations unies met à jour la liste des personnes et entités visées par des mesures de sanctions pour avoir appuyé, préparé, donné l’ordre de commettre ou commis des actes contraires au droit international des droits de l’homme.
3. Ces mesures doivent également s’accompagner d’actions d’envergure des autorités haïtiennes qui doivent remplir leurs obligations internationales et respecter leurs engagements en matière de droits de l’homme. Ainsi, il est urgent que les représentants de la police et de la justice reçoivent l’appui nécessaire et connaissent une revalorisation de leur statut, notamment une augmentation de leurs salaires, pour être à même de protéger les populations et de perdurer avec célérité les auteurs. de crimes, mais aussi ceux qui les appuient et financent. En même temps, les personnels de la police et de la justice impliqués dans des violations des droits de l’homme et des actes de corruption, doivent être sanctionnés dans les plus brefs délais par leurs institutions et jugés en conformité avec le droit national et international. .
4. Enfin, il est indispensable que les acteurs internationaux, en accompagnement des autorités haïtiennes, adaptent leurs modes d’assistance aux populations, dans la mesure où la violence se propage dans un milieu rural connaissant une faible présence des services de l’État. Si l’assistance humanitaire fournie par les agences onusiennes et les organisations non gouvernementales internationales est vitale pour les populations affectées directement par la violence, elle ne permettra pas de traiter les facteurs à l’origine de cette violence. D’autres initiatives sont nécessaires, à la fois pour renforcer la résilience des agriculteurs en proie à la violence, mais aussi, pour fournir les capacités aux communautés rurales de prévenir les violences par la mise en place de mécanismes non-violents de résolution des conflits. .
Extrait du rapport du BINUH
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