UN conseil de transition chargé de rétablir l’ordre démocratique en Haïti a signé un décret limogeant le Premier ministre par intérim Garry Conille, dans une démarche controversée qui met en évidence l’aggravation des troubles politiques dans ce pays des Caraïbes.
Le décret, consulté par les agences de presse Associated Press, Reuters et AFP et qui devrait être publié lundi, prévoit le remplacement de Conille par Alix Didier Fils-Aimé, un homme d’affaires précédemment envisagé pour le poste.
Le conseil, composé de neuf membres, a été formé en avril pour tenter d’aider Haïti à tracer la voie à suivre dans un contexte de montée de la violence des gangset des années d’instabilité, a nommé Conille Premier ministre en mai.
Mais le Conseil est en proie à des luttes intestines et est depuis longtemps en désaccord avec le Premier ministre, un fonctionnaire de longue date qui a travaillé auparavant pour les Nations Unies.
Le Miami Herald a rapporté que Conille et Leslie Voltaire, qui dirige le conseil, sont en désaccord sur un remaniement ministériel et la destitution de trois membres du conseil nommés dans un scandale de corruption.
Le mois dernier, les enquêteurs anticorruption ont accusé ces trois membres du conseil d’avoir exigé 750 000 dollars de pots-de-vin d’un directeur de banque gouvernementale pour garantir son emploi.
Le rapport a été un coup dur pour le conseil et devrait éroder davantage la confiance du public à son égard.
Les trois membres accusés de corruption – Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire et Louis Gérald Gilles – figuraient parmi ceux qui ont signé le décret de dimanche.
Un seul membre du conseil, Edgard Leblanc Fils, n’a pas signé l’ordonnance.
Il existe néanmoins des « points de vue divergents » sur la question de savoir si le conseil de transition – dont les membres représentent divers groupes politiques et de la société civile – a le pouvoir de destituer Conille, a rapporté le Miami Herald.
« Constitutionnellement, seul le Parlement haïtien peut limoger un Premier ministre, et les présidents du passé l’ont fait par des manœuvres politiques en obtenant des partisans dans l’une des deux chambres du gouvernement », explique le journal.
« Haïti, cependant, est en proie à une crise constitutionnelle où il n’y a pas de Parlement et pas de leader démocratiquement élu dans tout le pays. »
La tourmente politique survient alors qu’Haïti continue de se remettre de violence généralisée des gangsavec des groupes armés exerçant un contrôle sur 80 pour cent de la capitale, Port-au-Prince.
Dans un reportage depuis Washington, DC, John Holman d’Al Jazeera a noté que une mission de police multinationale soutenue par l’ONU en Haïti – déployé plus tôt cette année et dirigé par le Kenya – « ne semble pas avoir entamé » le pouvoir des groupes armés.
Les gangs ont régulièrement recours au meurtre, aux enlèvements et à la violence sexuelle dans leur lutte pour le contrôle du territoire à Port-au-Prince et dans d’autres régions du pays.
« Il semble que les gangs soient plus puissants que jamais en ce moment », a déclaré Holman.
Le mois dernier, l’ONU a averti que près de la moitié de tous les Haïtiens – quelque 5,41 millions de personnes – connaissaient une insécurité alimentaire aiguë en raison de la violence.
Plus que 700 000 personnesdont plus de la moitié sont des enfants, ont été déplacés de leur foyer, selon l’Organisation internationale pour les migrations.
Source : Al Jazeera et agences de presse