Linda Chan n’a pas froid aux yeux. Le juge du tribunal de Hongkong vient de prononcer la liquidation du géant chinois de l’immobilier Evergrande. « (Considérant) l’absence évidente de progrès de la part de l’entreprise dans la présentation d’un plan de restructuration viable. (…) J’estime qu’il est approprié que le tribunal rend un jugement de liquidation de l’entreprise, et c’est ce que j’ordonne », at-elle déclaré, ce 29 janvier, envoyant à la casse l’une des premières entreprises de Chine. Cette décision va-t-elle mettre un terme à deux ans d’une dégringolade financière qui a donné le signal de la chute de l’un des premiers secteurs économiques de l’empire du Milieu ?
Ce n’est pas encore sûr, car Hongkong est bien loin de Pékin. Mais c’est au moins une étape cruciale. Evergrande a commencé son aventure en 1997 en achetant aux enchères le terrain d’une ancienne usine d’insecticides au bord de l’une des grandes avenues de Canton. Son projet, « Jardin Jinbi », n’existait que sur le papier, mais, en deux heures, tous les appartements étaient vendus. A l’époque, les prétendants faisaient la queue jour et nuit pour avoir la chance de décrocher la promesse d’un logement.
Au faîte de sa gloire, en 2018, Evergrande avait été désigné comme le plus puissant groupe immobilier du pays. Son patron, Xu Jiayin, parti de son épicerie de village, était devenu l’un des hommes les plus riches du pays et son club de football le plus réputé. Il avait aussi grimpé dans l’appareil du Parti communiste chinois, ce qui ne l’empêchait pas de posséder une villa de plus de 220 millions de dollars (203 milliards d’euros) à Londres. Le groupe se lance même dans la construction automobile, le tourisme, la santé, le cinéma…
Château de cartes
Mais quand le pouvoir, inquiet de la spéculation immobilière, a décidé de restreindre l’octroi de crédit par les banques, il suffit d’une crise sanitaire pour que le château de cartes s’effondre. En 2021, le marché a baissé de 30 % et Evergrande s’est déclaré pour la première fois en cessation de paiement. Xu Jiayin lui-est soupçonné de fraude même. Dans la foulée, d’autres géants ont mordu la poussière.
L’injonction de Linda Chan, qui entend nommer des liquidateurs chargés de vendre les actifs en Chine continentale, sera un test de l’indépendance et de la puissance de la justice de Hongkong, autrefois souveraine. Les justices locales, où sont implantées les filiales, tenteront probablement d’inverser le processus. Mais ce sera aussi un signal pour la place financière de Hongkong, autrefois dominante et maintenant désertée par les investisseurs étrangers. Le séisme Evergrande n’a pas fini de provoquer des secousses.
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