Une nouvelle étude révèle que certaines espèces de chauves-souris peuvent survivre et prospérer avec des taux de glycémie qui seraient mortels pour les humains. Cette découverte pourrait ouvrir de nouvelles voies pour comprendre et traiter le diabète.
Des chercheurs du Stowers Institute for Medical Research ont découvert des adaptations remarquables chez les chauves-souris à nez de feuille néotropicales qui leur permettent de traiter le sucre d’une manière jamais observée auparavant chez les mammifères. L’étude, publiée dans Nature Ecology and Evolution le 28 août 2024, fait état des concentrations de sucre dans le sang naturellement les plus élevées jamais observées chez les mammifères.
Jasmin Camacho, Ph. D., co-auteur principal de l’étude, déclare : « Notre étude révèle des taux de glycémie qui sont les plus élevés que nous ayons jamais observés dans la nature, ce qui serait des niveaux mortels, provoquant le coma pour les mammifères, mais pas pour les chauves-souris. Nous observons un nouveau trait dont nous ignorions l’existence. »
Les chauves-souris gourmandes en sucre : une expérience naturelle d’évolution
Au cours des 30 derniers millions d’années, les chauves-souris à nez de feuille néotropicales ont évolué, passant d’insectes à des espèces aux régimes alimentaires variés, notamment à base de fruits, de nectar et même de sang. Cette diversité alimentaire en fait un sujet idéal pour étudier la façon dont les animaux s’adaptent à différentes sources de nourriture.
L’équipe de recherche a mené des travaux de terrain en Amérique centrale, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes, en effectuant des tests de tolérance au glucose sur près de 200 chauves-souris capturées dans la nature appartenant à 29 espèces. Ils ont mesuré les concentrations de sucre dans le sang après avoir nourri les chauves-souris avec l’un des trois types de sucres associés à différents régimes alimentaires.
« Nous avons observé différentes façons dont le sucre est assimilé (absorbé, stocké et utilisé dans le corps) et comment ce processus est devenu spécialisé en raison de différents régimes alimentaires », a expliqué Andrea Bernal-Rivera, co-premier auteur de l’étude.
Adaptations extrêmes pour la transformation du sucre
L’étude a révélé un spectre d’adaptations permettant de maintenir le taux de sucre dans le sang, connu sous le nom d’homéostasie du glucose. Ces adaptations vont des changements dans l’anatomie intestinale aux altérations génétiques des protéines qui transportent le sucre du sang vers les cellules.
Les chauves-souris frugivores, par exemple, ont affiné leur voie de signalisation de l’insuline pour réduire efficacement la glycémie. Les chauves-souris nectarivores, en revanche, peuvent tolérer des taux de glucose sanguin extrêmement élevés, similaires à ceux observés dans le diabète non contrôlé chez l’homme. Étonnamment, leur régulation du glucose ne semble pas dépendre de l’insuline.
Bien que le mécanisme exact utilisé par les chauves-souris nectarivores pour gérer le glucose soit toujours à l’étude, les chercheurs ont trouvé des indices intrigants :
- Les chauves-souris ayant une alimentation riche en sucre ont des intestins plus longs et des cellules intestinales avec une plus grande surface pour l’absorption des nutriments.
- Les chauves-souris nectarivores expriment en permanence un gène responsable du transport du sucre, un trait également observé chez les colibris.
Pourquoi c’est important
Cette recherche a des implications importantes pour la santé humaine, notamment pour la compréhension et le traitement potentiel du diabète. En étudiant la façon dont les chauves-souris ont évolué pour gérer des niveaux extrêmes de sucre dans le sang, les scientifiques pourraient découvrir de nouvelles stratégies pour gérer le glucose chez les humains.
Nadav Ahituv, Ph.D., professeur de bio-ingénierie et de génétique à l’Université de Californie à San Francisco, qui n’a pas participé à l’étude, a commenté son impact potentiel : « Les ensembles de données alimenteront les recherches futures qui visent à différencier les différences alimentaires entre les mammifères et pourraient faire progresser le développement de nouvelles thérapies pour une variété de maladies métaboliques chez l’homme. »
Orientations et défis futurs
Bien que cette étude apporte des informations précieuses, plusieurs questions demeurent :
- Comment les chauves-souris nectarivores régulent-elles exactement leur glycémie sans recourir à l’insuline ?
- Les adaptations observées chez les chauves-souris peuvent-elles être reproduites ou imitées en toute sécurité chez les humains ?
- Quels sont les effets à long terme d’un taux de sucre sanguin constamment élevé sur la physiologie des chauves-souris ?
Les chercheurs continueront d’explorer ces questions et pourront peut-être découvrir de nouvelles approches pour traiter le diabète et d’autres troubles métaboliques. Cependant, pour appliquer les résultats obtenus sur les chauves-souris aux humains, il faudra mener des recherches plus approfondies et examiner attentivement les implications éthiques.