Le mémorial du Panthéon de Paris accueille une double exposition dédiée à ceux qui ont joué un rôle dans l’abolition de l’esclavage. Il comprend des documents d’archives rares et de l’art contemporain, qui transmettent tous le message selon lequel la lutte pour la liberté ne doit jamais être considérée comme acquise.
« Oser la liberté » (Oser la Liberté) est une présentation de documents d’archives et de photos apportant un nouvel éclairage sur les hommes qui ont combattu l’esclavage, qui a duré quatre siècles et a impliqué trois continents.
Créé conjointement par le Centre des monuments nationaux (CMN) et la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, il met en lumière le rôle de la France coloniale dans l’esclavage et le long combat pour la liberté.
Même si la Révolution française de 1789 a entraîné la « Déclaration des droits de l’homme », il faudra une autre révolution pour mettre fin à la traite négrière en 1831, et une autre encore pour abolir définitivement l’esclavage, en 1848.
Toussaint Louverture, l’homme qui dirigea le soulèvement de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) en 1791, fut à la fois l’instigateur et l’icône du concept de « liberté universelle » que tentait d’instaurer la Première République française.
Cependant Napoléon Bonaparte, qui avait de grandes ambitions coloniales dans les Amériques, décida de déposer Louverture. Il n’y parvint pas et Saint-Domingue obtint son indépendance sur le champ de bataille et devint Haïti en 1804.
Le Panthéon, à l’origine l’église Sainte Geneviève, a été conçu par l’architecte Jacques-Germain Soufflot entre 1764-1790, sous Louis XV de France.
En 1791, l’Assemblée constituante décide de transformer le monument en Panthéon et de faire de sa crypte la dernière demeure des grands hommes et femmes de la nation.
Des noms connus ont ici leur place : parmi eux l’abbé Grégoire, Condorcet, Louis Delgrès, Victor Schœlcher, Félix Eboue et Aimé Césaire, également liés à la lutte pour les droits de l’homme.
Pourquoi les descendants des esclaves de France se battent toujours pour leur mémoire
Joséphine Baker, la chanteuse et artiste de cabaret américaine, n’est que la sixième femme à être honorée au Panthéon. Elle était connue pour ses contributions au mouvement des droits civiques aux États-Unis et pour son refus de se produire devant un public séparé.
L’artiste – qui a également soutenu le mouvement de Résistance contre le nazisme en France pendant la Seconde Guerre mondiale – a été officiellement honoré au monument lors d’une cérémonie le 30 novembre 2021.
Héros oubliés
L’exposition s’attache à mettre en lumière quelques-unes des figures cachées de ce long combat comme Makandal, Julien Raimond ou Olympe de Gouges.
François Makandal est né en Afrique de l’Ouest et a travaillé dans une plantation de canne à sucre à Saint-Domingue lorsqu’il était jeune garçon. Il s’est enfui et a rejoint une communauté marron dont il est devenu un leader. Il fut exécuté pour meurtre à Cap-Français en janvier 1758.
Olympe de Gouges était une féministe radicale et l’une des premières personnes à lutter pour l’égalité des droits des femmes. Elle a fait campagne contre la violence et l’oppression et s’est prononcée contre l’esclavage. Ses idées radicales la conduisirent finalement à la guillotine en 1793.
Les hauts plafonds en forme de dôme du Panthéon sont ornés d’immenses banderoles avec des visages d’esclaves ou d’abolitionnistes, offrant une procession aux visiteurs qui découvrent de multiples couches d’histoire.
Les motifs graphiques accrocheurs peints sur des drapeaux en tissu soyeux sont réalisés par le jeune artiste Raphaël Barontini pour l’exposition parallèle « We Could be Heroes ».
Conçu pour faire ressortir les histoires moins connues sur l’esclavage et ceux qui l’ont combattu, l’artiste, originaire de Saint-Denis, au nord de Paris, a choisi des portraits de personnages historiques ainsi que des personnages imaginaires.
Les œuvres sont accompagnées de performances programmées impliquant des groupes de fanfares caribéennes locales et d’une installation sonore.
« Ces pièces textiles auront une dimension narrative et apporteront un contrepoint historique », a déclaré Barontini à la presse, ajoutant s’être inspiré des peintures historiques de Jules-Eugène Lenepveu, Pierre Puvis de Chavannes et Jean-Paul Laurens.
Liberté fragile
L’exposition conjointe vient à point nommé rappeler que l’esclavage n’est pas un concept uniquement relégué aux archives, mais qu’il reste aujourd’hui un défi pour les pays du monde entier.
En 2001, avec la « loi Taubira », la France a reconnu l’esclavage et la traite des êtres humains comme crimes contre l’humanité, une nouvelle étape vers la sauvegarde de la devise révolutionnaire de la nation « Liberté, Égalité, Fraternité » (Liberté, Égalité, Fraternité).
La Journée internationale des Nations Unies pour l’abolition de l’esclavage est célébrée chaque année le 2 décembre pour sensibiliser aux versions modernes de l’esclavage qui touche encore plus de 28 millions de personnes, dont près de 70 pour cent sont des femmes.
Les expositions « Osez la liberté » et « Nous pourrions être des héros » se déroulent au Panthéon de Paris jusqu’au 11 février 2024.